Syprès, c’est aussi un espace de recherche et développement.  Dans ce cadre nous accueillons des professionnels, des experts et des chercheurs qui viennent co-construire avec nous de nouveaux services afin de mieux penser la mort et panser le deuil.

C’est le cas de Constance Garrouteigt, docteure en psychologie de la santé, qui a travaillé sur la « rétrospective de vie » en soins palliatifs. Constance embarque régulièrement sur nos expérimentations Lab, et est aussi membre du conseil coopératif. Nous sommes très fiers de la compter parmi nos membres actifs.

Peux-tu nous dire en quelques mots quel était précisément le sujet de ta thèse ?

Au seuil de sa mort, nous sommes amenés à voir défiler le film de notre vie. En psychologie, ce processus mental est nommé « rétrospective de vie ». Elle se définit comme un retour progressif conscient des expériences antérieures et en particulier la résurgence de conflits non résolus, afin de les réinterpréter et les intégrer. La finalité est que l’individu puisse voir sa vie comme un « tout cohérent ».

Comment tu t’y es prise pour collecter ces « rétrospective de vie » ?

J’ai rencontré des patients en soins palliatifs dans le service où j’exerçais. Au travers d’entretiens j’ai pu recueillir les différents souvenirs qui pouvaient les traverser, comment ils pouvaient se sentir à l’approche de leur mort. Il m’a également été possible de proposer une intervention basée sur la rétrospective de vie. Lors de ces temps d’échange, j’invitais les patients à me raconter les événements marquants de leur vie, les accomplissements dont ils étaient fiers, la place des regrets, ce qu’ils souhaitaient transmettre à leurs proches. Puis, nous complétions cela avec une activité commune entre le patient, un de ses proches et moi-même. Il s’agissait de créer un album photo avec leurs photos personnelles dans le but de recréer symboliquement leur histoire de vie.

C’est quoi les grands résultats de ton travail ?

Ce que l’on peut retenir de mon travail est que la remémoration de souvenirs négatifs pourrait être accentéer accentuée par la présence de douleurs physique ou d’une détresse psychologique. Malgré leur présence, certains patients arrivaient à réinterpréter ces derniers de sorte à les voir sous un jour nouveau. Comme par exemple, cette femme qui évoquait une dispute conjugale qui lui avait permis de se rendre compte de sa valeur personnelle dans son couple. 

Les patients insistaient également sur leur besoin de parler de leur fin de vie avec leurs proches, de mettre en ordre leurs affaires, préparer leurs obsèques bien que tous ces éléments entraînent des silences émotionnels importants dans leur discours. La présence de regrets était inexistante chez les participants, ces derniers préféraient les transformer en apprentissage ou bien les mettre à distance. Après, il important de rappeler que mes résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble des patients en soins palliatifs car le nombre de patients participants est peu élevé dans mon travail.

Plus que jamais, dans ce moment de grande vulnérabilité face à l’imminence de sa fin, le patient a besoin de se sentir humain, de rester lui-même, c’est-à-dire un être avec une histoire personnelle, familiale et sociale. La pratique de la rétrospective de vie peut y contribuer dans le sens où elle amène un sentiment de paix grâce à la revisualisation de la vie vécue, le fait de prendre conscience de ce qui a été accompli et d’intégrer différemment les conflits de sa vie.

 Un dernier message ?

Il ne s’agit pas de ne plus avoir peur de la mort mais de ne plus avoir peur de penser sa vie. Alors, osons regarder dans notre histoire les événements heureux et douloureux, de prendre le temps de mesurer les apprentissages que nous en avons tirés, des ressources qui nous ont permis de les dépasser, des liens que nous avons su tisser, des leçons que nous en avons retirés, ce que nous avons su transmettre car une fois que nous ne serons plus, les souvenirs resteront pour nos proches le miroir de tout ce que nous avons vécu.